FAITS MARQUANTS
- La pollution olfactive est une source récurrente de plaintes.
- Les incidents liés à la pollution olfactive peuvent entraîner une gêne physique chez les populations.
- Bien que certaines émissions soient d’origine naturelle, d’autres sont quant à elles liées à des industries ou des processus spécifiques.
- La mise en place d’un système d’alerte précoce de fuites, de rejets et d’émissions diffuses sur le périmètre équipé de capteurs peut contribuer à réduire les épisodes de pollution olfactive.
En mai 2020, en pleine phase de déconfinement après la vague de coronavirus, Paris a connu un épisode de pollution olfactive. Dans la nuit du 10 au 11 mai, les services d’urgence ont été alertés par une forte odeur de soufre. En conséquence, et suite à des avertissements répétés, le laboratoire de la préfecture de police a prélevé et analysé plusieurs échantillons d’air. Toutefois, aucun composé particulier n’a pu être identifié. Cet événement, qui fait l’objet de plusieurs hypothèses, reflète la rapidité avec laquelle notre odorat réagit à un stimulus. Au sein des zones urbaines et industrielles, de nombreuses personnes se plaignent de la pollution olfactive. Quelles solutions la technologie IdO offre-t-elle pour mesurer et contrôler ce problème ?
Qu’est-ce que la pollution olfactive ?
L’odeur est la sensation générée par un stimulus externe capté par notre odorat. La norme NF EN 13725 la définit comme un « attribut organoleptique perceptible par l’organe olfactif quand on respire certaines substances volatiles ». Une mauvaise odeur pourrait donc être définie comme une réponse sensorielle qui tend à produire un mécontentement ou un rejet. Cependant, cette perception est très subjective, car le caractère agréable ou désagréable d’une odeur dépend de l’individu et de sa capacité olfactive. La perception d’une mauvaise odeur n’implique pas toujours l’existence d’une substance toxique. Toutefois, une exposition prolongée à une odeur nauséabonde peut provoquer une réaction du corps humain. Ainsi, des « odeurs particulièrement désagréables peuvent directement engendrer des symptômes somatiques, notamment gastriques » (1). Nous pouvons citer l’exemple d’un incident survenu en 2019 dans la raffinerie Marathon Petroleum près de Détroit (États-Unis) rapporté par le New York Times. Le dégagement d’un gaz âcre a contraint la population à proximité à se retrancher chez elle, car l’odeur pouvait provoquer des « symptômes tels que des nausées, des vomissements, des maux de tête ou des difficultés respiratoires ».
Principaux gaz qui se distinguent par leur odeur
Les gaz les plus problématiques en matière de pollution olfactive sont les suivants :
- le sulfure d’hydrogène (H2S), qui se caractérise par une odeur d’œuf pourri caractéristique. Il nuit à la santé humaine même à de faibles concentrations et peut irriter les yeux, le nez et la gorge ;
- l’ammoniac (NH3), un gaz incolore à l’odeur très âcre, capable de brûler la peau à des concentrations élevées. La dégradation des déchets et l’utilisation d’engrais azotés sont deux sources habituelles de production d’ammoniac ;
- les composés organiques volatils (COV), des gaz composés d’hydrocarbures qui restent à l’état gazeux à température ambiante. Certains d’entre eux, comme le benzène, qui est doté d’une odeur douceâtre, sont très dangereux pour la santé humaine ;
- ledioxyde de soufre (SO2), un gaz qui se distingue notamment par son odeur piquante et irritante, et détectable à de faibles concentrations (0,3 à 1,4 ppm). Le contact de ce gaz avec les muqueuses des yeux ou du nez peut provoquer une grave irritation lors de sa transformation en acide sulfurique (H2SO4).
Comme nous le verrons dans la section suivante, la technologie IdO facilite leur détection, et nous alerte sur les incidents potentiels et susceptibles de représenter un danger pour la santé humaine.
Comment mesurer la pollution olfactive ?
L’odeur résulte de l’interaction entre différentes substances chimiques volatiles. Outre celles mentionnées au paragraphe précédent, il s’agit par exemple (2) :
- des sulfures, des mercaptans ou d’autres composés sulfurés ;
- des amines, de l’ammonium et d’autres substances azotées ;
- des esters, des aldéhydes ou d’autres composés organiques volatils.
Leur perception est également conditionnée par des facteurs tels que :
- la puissance de l’odeur ;
- la distance par rapport à la source ;
- les conditions météorologiques ;
- la topographie de l’environnement ;
- la sensibilité et la tolérance des riverains.
Ainsi, selon le type d’odeur à mesurer, différentes techniques seront utilisées.
Techniques sensorielles
Les techniques sensorielles se fondent sur les informations transmises par la population. En effet, l’odorat dépasse la capacité de détection des instruments actuels. Elles sont particulièrement efficaces pour les odeurs résultant du mélange de différents composés. Ainsi, des facteurs tels que la tonalité hédonique (à quel point une odeur est agréable ou désagréable), l’intensité ou la fréquence peuvent également être pris en compte dans le cadre de l’évaluation d’une odeur. Ces techniques comprennent, par exemple :
- l’olfactométrie dynamique ;
- des inspections sur le terrain ;
- les signalements des riverains de la zone où l’odeur est détectée.
Techniques analytiques
Les techniques analytiques sont appropriées pour mesurer une odeur unique ou une substance spécifique représentative d’une source. Le contrôle des composés susmentionnés à l’aide de capteurs à coût réduit, tels que ceux proposés par Kunak, est un exemple de technique analytique. Outre l’identification de composés spécifiques à l’aide de dispositifs de détection, deux autres techniques analytiques sont fréquemment utilisées :
- la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse, dont l’objectif est d’identifier et de relier une odeur à une molécule ou à un mélange de molécules. Toutefois, comme le soulignent Suffet et Braithwaite (3), « la simple identification d’un ensemble de composés dans l’air n’indique pas les composés qui contribuent aux problèmes d’odeurs » ;
- le nez électronique, instrument qui, comme le signalent Eusebio, Capelli et Sironi (4) à l’aide d’une définition reconnue par la communauté scientifique, « comprend un ensemble de capteurs chimiques électroniques à spécificité partielle et un système de reconnaissance des formes approprié, capable de reconnaître des odeurs simples ou complexes ».
Dans cette vidéo, le ministère chilien de l’Environnement offre un aperçu des différentes techniques de mesure des odeurs.
Contrôle de la concentration de H2S en tant qu’indicateur de mauvaises odeurs
Comme indiqué dans la section précédente, les techniques analytiques peuvent être appropriées pour mesurer un ou plusieurs composés prédominants associés à une activité spécifique. Nous pouvons citer l’exemple pratique de la surveillance du sulfure d’hydrogène, qui se distingue facilement par son odeur caractéristique. Le H2S est un gaz incolore, inflammable et détectable à de très faibles concentrations. En réalité, l’odorat peut le détecter dans une fourchette de 0,0005 à 0,3 partie par million (ppm). Certaines de ces émanations peuvent être d’origine naturelle et provenir, par exemple, des volcans. Cependant, certaines activités industrielles spécifiques en rejettent également. Parmi les plus courantes, nous pouvons citer le raffinage du pétrole, l’industrie du papier et le traitement des eaux usées. Nous allons à présent porter notre attention à cette dernière activité en utilisant l’exemple du traitement des eaux usées à Arazuri (Navarre). Depuis quelques mois, nous collaborons avec l’organisme de gestion de la station d’épuration des eaux usées (STEP) d’Arazuri afin de mettre en place un système de mesure des variables environnementales, d’améliorer la prise de décision et de réduire l’impact des mauvaises odeurs sur les habitations les plus proches (< 1 km). Les principaux objectifs de cette coopération sont les suivants :
- évaluer les émissions de H2S au cours des différentes étapes du processus d’épuration en identifiant les éventuels points critiques et les emplacements de mesure optimaux ;
- analyser et identifier les technologies les mieux adaptées à ce contrôle.
Dans le cadre de cette coopération, Kunak est chargé de fournir le système Kunak Air nécessaire à la surveillance en temps réel et précise des émissions de sulfure d’hydrogène. De même, les données fournies par le système de surveillance sont complétées par la mesure d’autres variables météorologiques telles que la température, l’humidité relative, la vitesse et la direction du vent, c’est-à-dire des variables qui conditionnent largement la dispersion de la pollution et aident à en détecter la source.
Conclusion
Les épisodes de pollution olfactive n’aboutissent généralement pas à un dénouement fatal : il est très rare que la pollution olfactive entraîne la mort des personnes affectées. Toutefois, ces événements peuvent affecter la santé des populations à proximité de la source émettrice. La surveillance du périmètre à l’aide de capteurs peut contribuer à prévenir de tels incidents et ainsi à améliorer la qualité de vie des locaux.
Sources consultées :
- (1) Sucker, K., Both, R., & Winneke, G. (2001). Adverse effects of environmental odours: reviewing studies on annoyance responses and symptom reporting. Water Science And Technology, 44(9), 43-51. https://doi.org/10.2166/wst.2001.0505
- (2) Conti, C., Guarino, M., & Bacenetti, J. (2020). Measurements techniques and models to assess odor annoyance: A review. Environment International, 134, 105261. https://doi.org/10.1016/j.envint.2019.105261
- (3) Suffet, I.; Braithwaite, S. (2019) Odor complaints, health impacts and monitoring methods (white paper). University of California, Los Angeles. Consulté le 15/05/2020 à l’adresse suivante : https://ww2.arb.ca.gov/sites/default/files/classic//research/apr/past/18rd010.pdf
- (4) Eusebio, L., Capelli, L., & Sironi, S. (2016). Electronic Nose Testing Procedure for the Definition of Minimum Performance Requirements for Environmental Odor Monitoring. Sensors, 16(9), 1548. https://doi.org/10.3390/s16091548